Le Chenin en Val de Loire
Fan de chenin depuis le Moyen-Âge, le Val de Loire revendique aujourd’hui le statut de 1 ère Chenin Fan Zone au monde ! En effet, qu’ils soient viticulteurs, négociants, historiens, ampélographes, chefs, sommeliers, cavistes, journalistes ou simples amateurs, tous considèrent que le Chenin est le cépage blanc signature, emblématique, identitaire ou encore patrimonial de cette région.
Cette fierté illustre en réalité un véritable « revival » ou retour en grâce du Chenin le long de la Loire. Après plusieurs décennies de questionnements sur la place à redonner à ce cépage, le Val de Loire sonne finalement la mobilisation générale en 2019 : une stratégie marketing est mise en place, un Congrès international du Chenin Blanc est organisé, bref une dynamique est amorcée, d’abord en région puis au-delà.
Un cépage historique
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Des débuts romanesques
C’est la littérature de la Renaissance qui la première popularise et célèbre le Chenin. En effet, l’expression « raisins chenins » apparait en 1534 dans Gargantua, roman de François RABELAIS, écrivain du Val de Loire.
Toutefois, force est de constater que de 1400 à 1800 ce terme est quasi absent de la bibliographie savante. Le cépage Chenin existe bien mais sous 2 autres dénominations, celles de Pineau et Plant d’Anjou, alors les plus connues et répandues en Val de Loire. Dès 1523, le plant d’Anjou est mentionné dans le vignoble du Château de Chenonceau. Au 18 ème siècle, le terme Pineau finit toutefois par le supplanter.
Il faut attendre les années 1850-1900 pour que le Chenin remplace le Pineau (de Loire) dans la terminologie des ampélographes, et ce pour éviter toute confusion avec celui de Bourgogne.
Jusqu’à cette époque, le mot Chenin ne semble être présent que dans le langage technico-vernaculaire de certains vignerons du Val de Loire, principalement des vignobles de Thouars, Chinon et Saumur.
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Une étymologie encore mystérieuse
L’origine du mot Chenin reste hypothétique. Depuis le 19 ème siècle, 4 explications sont proposées par des historiens, ampélographes ou linguistes lexicographes. Ainsi, il proviendrait de:
- « Caninus », mot latin qui littéralement signifie « canin » (ou de chien) et qui en l’espèce pourrait désigner un raisin rustique; cette explication a été avancée par l’ampélographe Louis LEVADOUX en 1956, puis reprise ces 20 dernières années par le linguiste lexicographe Pierre RÉZEAU;
- « Chenu », adjectif synonyme de moisi qui, en élisant la lettre e, donne une « viande ch’nu », un « fromage ch’nu » etc. Or, l’expression « raisins ch’nus » pourrait expliquer celle des « raisins chenins » dans Gargantua, sachant qu’à cette époque on apprécie les vins doux élaborés grâce à la pourriture noble des raisins précisément;
- « Canus », mot latin signifiant gris-blanc, lequel aurait donné « chenu » puis « Chenin » selon les ampélographes ESMANGART et JOUANNEAU en 1823;
- « Montchenin », qui est le nom d’une dépendance du monastère de Cormery en Touraine; or, durant la seconde moitié du 19 ème siècle, on considéra que le Chenin y avait été planté et donc que son nom proviendrait de ce lieu; ce récit fut rapporté et amplifié par l’historien Alfred BOUCHARD dans l’ouvrage intitulé Ampélographie et publié en 1901 par VIALA et VERMOREL.
Seule certitude à ce jour : Chenin n’est pas un nom de lieu. L’hypothèse « Montchenin » est même qualifiée de fantaisiste par Henri GALINIÉ, historien, spécialiste des cépages ligériens. Quant à l’hypothèse « chenu », vieil adjectif probablement originaire de l’ancienne Province du Poitou, les recherches menées depuis 2019 par l’Université de Tours ne permettent pas de la confirmer, au point sans doute de devoir l’abandonner.
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De très nombreux synonymes
Fruit d’une longue histoire, le Chenin compte près de 60 synonymes en France et à l’étranger, dont 40% en Val de Loire.
Les synonymes ligériens sont les suivants: Anjou, Blanc d’Anjou, Blanc Emery, Blanc Macé, Blanc Massé, Confort, Gros Chenin, Gros Pineau, Gros Pineau de Vouvray, Mançais Blanc, Pineau d’Anjou, Pineau de Briollay, Pineau de la Loire, Pineau de Savennières, Pineau de Vouvray, Pineau nantais, Pinot d’Anjou, Pinot de la Loire, Plant d’Anjou, Plant de Brézé, Plant de Maillé, Plant du Clair de Lune, Pointu de Savennières.
En France, d’autres synonymes existent, comme:
- dans le Centre : Péra, Verdurant;
- en Charente-Maritime, Vendée : Aunis, Blanc d’Aunis, Bon Blanc, Franc Blanc, Franche, Gout-Fort;
- en Corrèze, Gironde et Lot : Rajoulain, Ronchalin, Rouchalin, Rouchelin, Rougelin, Rousselin, Rouxalin, Rouzoulenc;
- dans les Landes et le Gers : Capbreton blanc, Cruchinet, Sable blanc, Tite de Crabe, Coué-Fort, Qué-Fort;
- en Aveyron : Pineau blanc;
- dans le Gard : Ugne lombarde;
- dans le Var : Plant de Salès;
- en Isère : Cugnette;
- dans l’Aube : Giboudot blanc.
Enfin, à l’étranger, près de 10 synonymes sont utilisés :
- en Afrique du Sud : Steen, Vaalblaar Stein;
- en Argentine : Pineau vert, Pinot blanco;
- en Australie : Albillo, Sherry;
- en Bulgarie : Shanin;
- en Espagne (Galice) : Agudelo, Agudillo.
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Des parents enfin identifiés
Le Chenin descend du Savagnin et probablement de la Sauvignonasse. Telles sont les conclusions des recherches moléculaires menées durant les années 2010 et dirigées notamment par les ampélographes Thierry LACOMBES et Jean-Michel BOURSICOT.
D’après les historiens, le Savagnin peut avoir été introduit en Val de Loire dès le Moyen-Âge. En effet, un transfert de matériel végétal, des vignobles de l’Est de la France (Jura et ses environs) vers ceux de l’Ouest, est attesté dès le 11 ème siècle.
Quant à la Sauvignonasse, son lien de parenté avec le Chenin doit encore être confirmé. Dans l’hexagone, ce cépage se nomme aussi Blanc Doux, Cinquien, Sauvignon Vert. En Italie, on l’appelle Friulano, Tai ou encore Tuchì pour ne donner que quelques exemples.
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Des variétés anciennes précieusement conservées
En Val de Loire, le Chenin dispose d’un conservatoire génétique unique au monde. Situé à Montreuil-Bellay et géré par l’Institut Français de la Vigne et du Vin, ce domaine expérimental regroupe et conserve 500 Chenins différents, soit la plus large diversité intra-variétale liée à ce cépage.
Pour y parvenir, des campagnes de prospection sont menées, avec un recensement des vieilles parcelles de Chenin le long de la Loire mais aussi en Afrique du Sud, où ce cépage existe depuis le 17 ème siècle. Plusieurs critères sont pris en compte : production, vigueur, fertilité, ampélographie, maturité, absence de maladies etc.
Grâce à ce conservatoire, le domaine de Montreuil-Bellay est aujourd’hui en mesure de proposer de nouvelles sélections clonales pour répondre aux actuelles et futures contraintes de production, comme le gel et les maladies. La création d’une nouvelle variété est même en cours, et ce par hybridation du Chenin blanc avec des géniteurs résistant à l’oïdium, au mildiou, mais aussi permettant un débourrement plus tardif, une moindre sensibilité à la pourriture grise, tout en conservant les caractéristiques organoleptiques du fameux Chenin.
Un cépage tendance
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Une surface plantée en augmentation
En Val de Loire, la surface plantée en Chenin ne diminue plus et même progresse à nouveau, avec 9 615 ha en 2018, soit 10% de plus qu’en 2012. La tendance est là et devrait se poursuivre en raison d’un marché porteur pour les vins blancs. Tous cépages ligériens confondus, la part du Chenin augmente également, occupant désormais 14,6% de la surface viticole régionale, contre 13,1% en 2006. Enfin, 93% du Chenin régional se trouve dans 2 départements : le Maine et Loire (55%) ainsi que l’Indre et Loire (38%).
Toutefois, après avoir été durant des siècles le cépage roi du Val de Loire, le Chenin n’est plus sur le podium des cépages les plus plantés dans la région. Il se positionne derrière le Cabernet Franc, le Melon de Bourgogne et le Sauvignon.
Par contre, le Val de Loire conserve son titre de région reine du Chenin en France mais aussi dans le monde. En effet, la région concentre 95% des surfaces dédiées à ce cépage dans l’hexagone et même 30% tous pays confondus.
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Une offre de vins à l’offensive
Chaque année, le Chenin équivaut en Val de Loire à plus d’un demi-million d’hectolitres produits et 60 millions de bouteilles commercialisées. Les vins ainsi proposés au marché sont à 60-65% des fines bulles, 25-30% des blancs secs voire demi-secs et 10-15% des moelleux-liquoreux. Cette répartition reflète l’évolution de la demande depuis les années 1960. En effet, la demande en bulles a été croissante et celle en moelleux-liquoreux a nettement diminué.
Les 3/4 des ventes de Chenin ligérien sont réalisés en France, dont 1/3 en grande distribution. Les exportations sont quant à elles très majoritairement liées aux fines bulles, dont 30% des volumes sont achetés hors de l’hexagone, et même 50% dans le cas du seul Crémant de Loire. Enfin, face à la concurrence, le Chenin du Val de Loire se positionne notamment et traditionnellement en cœur de marché, mais accélère désormais sa montée en gamme.
En Chenin, la Val de Loire propose des vins « festifs » (fines bulles, moelleux), « authentiques » (blancs secs) et même « mythiques » (liquoreux, blancs secs), tous étant quasiment uniquement élaborés en AOP. Or, chaque type de Chenin et chaque AOP concernée jouent un rôle dans cette offre en triptyque : aux fines bulles et moelleux d’ouvrir certains marchés, notamment à l’export, et de reconquérir de nouveaux consommateurs; aux blancs secs d’exprimer la diversité des terroirs; et enfin aux liquoreux et certains blancs secs de faire rêver les grands amateurs.
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Une demande nationale et internationale croissante
Les perspectives de marché sont favorables au Chenin. En France comme dans de nombreux autres pays, la demande de vins blancs s’accroît, en effervescents toujours mais aussi désormais en non effervescents, dits tranquilles.
Toutefois, le Chenin reste bien moins connu que d’autres cépages blancs, comme le Chardonnay ou le Sauvignon. En région ligérienne, il est utilisé :
- en mono-cépage par les appellations : Anjou Coteaux de la Loire, Bonnezeaux, Chinon, Coteaux de l’Aubance, Coteaux du Layon, Coteaux du Layon villages, Coteaux du Layon 1 er cru Chaume, Coteaux de Saumur, Coulée de Serrant, Coteaux du Loir, Jasnières, Quarts de Chaume grand cru, Montlouis, Saumur, Savennières, Savennières Roche aux Moines, Touraine Amboise, Touraine Azay le Rideau, Vouvray
- en cépage principal par les appellations : Anjou, Crémant de Loire, Coteaux du Vendômois, Fiefs Vendéens, Saumur fines Bulles, Touraine Mesland,
Dans ce contexte, le Val de Loire mise sur la singularité du Chenin comme offre alternative dans l’univers des vins blancs. En effet, la demande en blancs de caractère, originaux, voire rebelles, est une tendance et non plus une simple niche. Le Chenin se caractérise par un potentiel d’acidité important, lequel donne des vins avec une belle « fraicheur », souvent assez vifs, nerveux, et donc aptes au vieillissement. Ses arômes sont notamment : - l’acacia, l’aubépine, le tilleul en termes (arômes de fleurs),
- le coing, la poire, la mirabelle, les agrumes, l’écorce d’orange, la goyave (arômes de fruits),
- ainsi que le miel et les épices douces.
Enfin, le Val de Loire entend hisser son Chenin sec au premier rang des grands vins blancs. En effet, œnologues et ampélographes considèrent que ce cépage révèle les terroirs mais aussi les talents. Or le vignoble ligérien n’en manque pas …
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Une communauté de fans grandissante
En 2019, #FANDECHENIN est devenu en Val de Loire le signe de ralliement des vignerons, revendeurs et consommateurs passionnés par ce cépage. Aujourd’hui, cette communauté ne se limite plus aux frontières ligériennes mais s’étend en France et même à l’étranger.
Par ailleurs, les lieux permettant l’achat et/ou la dégustation de Chenin sont désormais visibles ou repérables grâce au concept de #CHENINFANZONE. Fin 2022, leur nombre atteint les 1160 et couvre 7 pays (Allemagne, Angleterre, Belgique, Espagne, Italie, Lituanie).
Enfin, une #CHENINFANWEEK est organisée tous les mois juin à destination du grand public. A cette occasion, des centaines de Chenin Fan Zones se mobilisent pour faire découvrir des vins élaborés à partir du célèbre cépage, qu’ils soient ligériens ou non, moelleux, liquoreux, secs ou effervescents.
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Une thématique oenotouristique naissante
Le Chenin fait partie intégrante des paysages du Val de Loire. Son vignoble fluvial figure même pour partie dans le périmètre inscrit en 2000 au patrimoine mondial de l’UNESCO. Les paysages du Chenin ligérien ont été façonnés par une géologie, un fleuve, mais aussi des usages et bâtis séculaires, comme les closeries ou les parcs paysagers. Au fil du temps, ce paysage viticole est devenu culturel, emblématique même de certaines AOP viticoles de la région.
Aujourd’hui, le Chenin du Val de Loire s’inscrit dans une écologie du paysage. Son esthétique, harmonieuse, comme son éthique de production, de plus en plus respectueuse de l’environnement, racontent la relation du vigneron avec son endroit de nature, parfois décrit comme un véritable « vignoble jardin ».
Progressivement, le Chenin devient lui-même une thématique oenotouristique du Val de Loire. Les centaines de Chenin Fan Zones ligériennes en sont désormais le socle et à l’initiative, entre elles mais aussi avec leurs partenaires territoriaux, collectivités et acteurs du tourisme.